Rapport du CAS – résumé
' Au cours des premières années de la période 2000 - 2050, il est estimé que nous perdrons chaque année une valeur équivalente à environ 50 milliards d'euros, en ne prenant en compte que les services rendus par les écosystèmes terrestres (il convient de remarquer qu'il s'agit là d'une perte de bien-être et non pas de PIB, dans la mesure où une grande partie de ces bénéfices ne sont actuellement pas inclus dans le PIB). Les pertes de notre capital naturel ne sont pas seulement ressenties l'année de la perte, mais se poursuivent au fi l du temps et voient s'ajouter des pertes supplémentaires les années suivantes. Ces pertes cumulées de bien-être pourraient atteindre 7 % de la consommation annuelle d'ici 2050. Il s'agit là d'une estimation prudente'.
Objectifs du rapport
- Etablir un état de l'art critique des méthodes permettant d'obtenir une valeur économique de la biodiversité et des services rendus par les écosystèmes
- Les utiliser pour établir des 'valeurs de référence' pour le territoire national
L'importance de la disparition de la biodiversité et de la dégradation des services écosystémiques sont maintenant reconnus, comme l'a été le problème des émissions de CO2. Une étude récente, commandée à Postdam en 2007 et qui a maintenant livré ses résultats, montre bien l'importance que le sujet acquiert auprès des autorités.
Le rapport montre, dans un premier temps, l'importance pour les différentes parties prenantes de reconnaitre une valeur à la biodiversité et aux services qu'elle sous-tend. Les pouvoirs publics ont intérêt à mieux prendre en compte les impacts environnementaux de leurs décisions, tout comme les scientifiques doivent travailler sur l'observation et la connaissance de la biodiversité. Les enjeux sont d'ordre socio-économique, et transcendent les différents entre écologistes, économistes, et autres.
La France en particulier est un réservoir de biodiversité, de par sa situation géographique à la croisée d'écosystèmes, mais un réservoir sous une pression imposée par des choix socio-économiques. Comme nous l'avons vu, des résolutions ont été adoptées et le coût de l'inaction politique a été chiffré ; et pourtant il semble que l'objectif 2010 ne sera pas atteint. Une approche du problème par l'économie, qui permet de gérer les ressources rares, semble pertinente. Au début du capitalisme, les ressources humaines et naturelles n'étaient pas le facteur limitant : ce furent les ressources financières. On constante que les ressources naturelles sont aujourd'hui soumises à un gigantesque stress d'exploitation, et cela légitime un changement de paradigme.
Avant de continuer, il est rappelé que la France dispose d'outils législatifs intéressants. De part sa nature même, le système juridique est un organisme autopoïétique, ce qui veut dire qu'il assimile objectivement, mais dans son propre référentiel, toutes les données qui lui sont fournies. Cela permet en particulier de fournir dans le cas des préjudices, des réparations qui semblent globalement cohérentes, au travers de méthodes forfaitaires, de comparaison avec des budgets d'autres domaines, etc. Bien évidemment, un fait simple limite ces pratiques : il faut tout d'abord qu'il y ait un plaignant, et qu'ensuite ce plaignant fasse une demande spécifique. Un juge ne peut ainsi pas accorder de réparation allant au-delà de la demande. On peut apercevoir les pratiques de compensation au-delà des réparations. Ces compensations ne sont pas forcément monétaires, ce qui permet de s'affranchir du problème éthique de la réduction à l'argent ; mais le problème principal reste dans l'élaboration de classes d'équivalences, permettant de pratiquer de telles compensations. Enfin, selon le rapport, les mécanismes de régulations devraient être plus développés. Une institution indépendante de réglementation devrait ainsi être créée pour ce qui touche au domaine de la biodiversité.
Reste la question de la variété dans la communauté des parties prenantes. Comment trouver un langage qui parle véritablement aux hommes politiques, aux économistes, aux agriculteurs, aux pauvres, aux riches, … ? L'état de l'art montre que les indicateurs sont des outils de communication efficaces, car objectifs : on peut ainsi évoquer ceux développés par la CDB, SEBI 2010, l'UICN, le PNUE, etc. Le problème réside dans la nature vectorielle de la biodiversité : en fonction des mesures à faire, et des objectifs à atteindre, les indicateurs sont différents, et non réductibles à une simple unité, bien que des indicateurs composites soient également développés. Ainsi, un critère pertinent serait-il le nombre d'espèces au sein d'un territoire, ou le nombre absolu d'individus d'une même espèce, ou bien encore les variations de population ? De plus, ces indicateurs doivent englober aussi bien l'état des écosystèmes, que les pressions qui s'y appliquent et les contrôles s'y exerçant. C'est un différence fondamentale du cas des gaz à effet de serre. En effet, la mesure du CO2 atmosphérique est à la fois une variable de pression, de contrôle, et d'état. Cette polyvalence de l'indicateur ne se retrouve pas dans notre cas, mais ce qui est intéressant est le fait que des acteurs se soient accordés sur la nécessité de payer pour gérer un bien public, l'air.
A ce niveau, de nouvelles études sur les relations entre économie et politiques, sur les systèmes de gouvernance, et autres sujets socioéconomiques, ainsi que des travaux de compréhension des écosystèmes ont besoin d'être faites.
A peine la question des indicateurs soulevée, on peut s'interroger sur le bien fondé d'utiliser des outils économiques pour la problématique de la perte de biodiversité. Le rapport fait dans un premier temps un bref rappel des notions économiques de la valeur, en tant qu'un solde net de bien-être entre bénéfices et coûts. Cependant, cette valeur est individuelle, et il existe des biais pour la transposer à l'échelle d'une société, bien que l'utilisation de 'biens tutélaires' puisse la corriger, par exemple en prenant en compte le manque d'information des individus. Ce problème est par exemple illustré dans le cadre du biais d'inclusion : un individu est prés a payer la même somme pour protéger 1 ou 300 espèces. La valeur qui est attribuée n'est donc pas celle qu'il donne à l'espèce, mais au fait de protéger la nature. L'évaluation économique d'un bien peut aussi être gênée par l'impossibilité de sommer des bénéfices de natures différentes. Des méthodes alternatives d'évaluation sont évoquées, mais chacune possède ses forces et faiblesses propres. Il se pose également la question du droit de propriété sur les écosystèmes, les problèmes d'équivalence entre valeurs et le besoin d'avoir un consensus sur la fixation des valeurs de référence. Cela implique alors un élargissement de prospective : la valorisation de la nature se fait au travers des services qu'elle nous rend. Bien qu'il soit difficile de distinguer ce qui nous est effectivement utile des valeurs de non-usage, il est possible d'approche une approche globale, comme l'a fait l'étude du 'Cost of policy inaction' (Braat et ten Brink). Une autre difficulté est quant à elle l'utilisation du taux d'actualisation de tels services. On voit donc que la valeur peut être fixée par des individus, par des experts, ou par les pouvoirs publics. Mais qu'est ce qui doit être valorisé ? La diversité en elle-même, la ressource génétique, les espèces, les écosystèmes, les habitats naturels, la diversité fonctionnelle ?
Des initiatives récentes engageant de multiples parties prenantes ont pu être vues. La commission Boiteux a travaillé sur les problèmes de transport routier, la commission Quinet sur le carbone, le MEEDDAT sur des projets de conservation, l'OCDE a publié un manuel sur la biodiversité, et le rapport 'the economics of ecosystems and biodiversity' est paru en 2008, sans mentionner le rapport Stern. Ces rapports ont insisté sur le besoin politiques d'une stratégie de prévention, et de l'élaboration d'un référentiel spécifique.
Les outils sont donc là. Cependant, à quel objectif doit-on s'atteler ? D'après le CAS, l'objectif de 2010 est trop vague. Il ne précise pas les étapes intermédiaires, les échelles d'étude, et les acteurs à cibler. Le choix d'une si courte période de temps ne prend ainsi pas en compte l'inertie de la nature.
En utilisant ces connaissances, et en gérant au mieux les limites de l'état de l'art, le CAS a donc trouvé comme valeur de référence pour les forêts de 970€ / hectare, et de 600€/hectare pour les prairies. Une conclusion a été que l'inclusion cette valeur dans les politiques publiques pouvait fort bien orienter des activités telles que l'agriculture à respecter les écosystèmes, mais n'avaient aucun impact sur des activités plus lucratives.
Enfin, le rapport insiste fortement sur l'usage de ces valeurs. La justice accorde des réparations dans le cas d'atteintes à la personne : cela ne permet pas pour autant d'instaurer un marché du crime! Il est donc rappelé que la non-atteinte aux écosystèmes et la compensation devront être des moyens prioritaires de la conservation environnementale. La valorisation permet d'autre part d'apporter un soutien aux décisions publiques qui négligeaient des parties d'impact environnemental : cela permet de légitimer le choix d'options complémentaires lors de l'évaluation des projets publics.
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